Couverture de Pat Boon © 2016, L’Association, Winshluss

En mars dernier paraissait chez L’Association, la nouvelle édition de Pat Boon, un classique de Winshluss ! Vincent Paronnaud de son vrai nom, est un auteur « intelligent, drôle, iconoclaste et corrosif », en tous cas, c’est ce que Benoît Vittek et moi-même écrivions pour slate.fr en 2014. Chez scenario.com, Fredgri parle tranquillement de l’auteur et son « univers complètement décalé », univers que Les Requins Marteaux situent « entre Walt Disney¹, Tod Browning² et Philippe Vuillemin³ », tandis que pour Télérama, c’est n’est qu’un « auteur de BD joyeusement provocatrices ». Même si la collaboration a été de courte durée, la petite bio, proposée par Delcourt – pour qui il n’a publié que deux albums de Wizz et Buzz (collection Shampooing, 2006‑2007) avec Cizo – semble vraiment bien correspondre :

« Winshluss affirme sa vision humoristique aux frontières du macabre, travestit les mythes, dépouille la bande dessinée de son histoire fomentée par les collectionneurs et pire que tout, n’a aucune morale ».

Aux lecteurs de se faire leurs avis propres ! Seule la productivité abondante de Winshluss fait tomber tout le monde d’accord. Des années 90 à nos jours il publie/réalise/expose, 7 façons d’en finir avec l’humanité (1999, Le dernier cri), Super Negra (1999, Les Requins Marteaux), Monsieur Ferraile avec Cizo (2001, Les Requins Marteaux), Pat Boon – « Happy End » (2001, L’Association), Raging Blues avec Cizo (court-métrage d’animation, 2003), O’boy, What nice legs ! avec Cizo (court-métrage d’animation, 2003), Smart Monkey (Cornélius, 2004), Wizz et Buzz (Delcourt, 2006-2007), Persépolis (long-métrage d’animation, d’après et avec Marjane Satrapi, 2007), Pinocchio (2008, Les Requins Marteaux, Fauve d’Or 2009),  Amour (exposition à la Galerie Vallois, 2009), Villemole 81 (court-métrage d’animation, 2009), Il était une fois l’huile (court-métrage d’animation, 2010), Poulet aux prunes (long-métrage d’animation, d’après et avec Marjane Satrapi, 2011), In God We Trust (2013, Les Requins Marteaux), Winshluss, un monde merveilleux (exposition à la Galerie des Jouets du Musée des arts décoratifs de Paris, 2013), Territoire (court-métrage, Kidam Production, 2014), Pays de la Météorite avec Marc Pichelin (parcours réalisé pour la Communauté de communes du Haut Comminges, 2014), Pas la peine de pleurer, personne ne te regarde… (exposition à la Galerie Vallois, 2015) et Cosmogonie (court-métrage, Kidam Production, à venir).

Planche issue de Pat Boon © 2001, 2016, L’Association, Winshluss

Pat Boon, antihéros introverti, rêve de charmer la belle Peggy. Malheureusement, aux États-Unis pendant la dépression des années 30, le monde est cruel, la vie n’est pas si simple… Surtout que Pat n’est pas aidé, son seul ami est Fat Slim, alcoolique, margoulin et roi du faux-plan.
En suivant le récit de Pat Boon, toute une société est dépeinte à travers différents personnages, il y a : l’histoire de Peggy qui rêve d’être actrice, celle de Fat Slim qui sombre de plus en plus dans la dépravation, les mésaventures de Kluk et Klux qui cherchent à affirmer leur fascisme idéologique et les espoirs d’un musicien noir qui vise une grande carrière de bluesman. Chaque histoire paraît indépendante par rapport aux autres, mais elles finissent toutes par se rejoindre, ou au moins, avoir des incidences réciproques.

Illustration promotionnelle de Patboon © 2016, L’Association, Winshluss

L’atmosphère lugubre du récit octroie une résonance concrète aux péripéties cartoonesques des personnages. Ces derniers sont dessinés presque grossièrement, à première vue. Le trait de Winshluss est imprégné par les courbes et les rondeurs des animaux anthropomorphes d’Edmond-François Calvo ou de Benjamin Rabier, mais ils en sont une version décrépie, sénescente, usée par le temps et par le monde.
Paronnaud ajoute à cela, des thèmes plus que modernes, plus qu’actuels : la recherche de l’amour et  l’envie de réussir. Il décline ensuite leurs fréquentes dérives, comme l’individualisme, l’aliénation, le racisme, et la corruption. Fondues dans un univers de gags humoristiques, ces saynètes obligent à prendre de la hauteur pour voir leur profondeur.

Planche issue de Pat Boon © 2001, 2016, L’Association, Winshluss

C’était attendu depuis quinze ans et à L’Association a enfin réédité cette œuvre hautement conseillée. Qui plus est, Winshluss a produit un récit final qui vient augmenter le volume : en réaction à la triste année qu’a été 2015, Pat Boon se retrouve à Jihadpark après un crash d’avion… C’est une façon de se venger, de se défouler, et c’est assez jouissif !
Ne pas manquer cette réédition avant que les stocks ne soient épuisés !

Planche issue de Pat Boon © 2016, L’Association, Winshluss

→ BONUS : écoutez Shunatao, l’ancien groupe de Vincent Paronnaud

Pat Boon, © 2016, L’Association, Winshluss
Hors Collection
Format 19,5×26,7 – 40 pages – N&B
14€