Lectures Hebdomadaires

La bande dessinée, c'est tout !

« Le processus créatif résulte toujours
d’un emboîtement spontané
qu’on reconstruit après coup.
 »
Frédérik Peeters

Gilles Rochier : impertinence et sincérité

Après Fabrice Erre, Alain Henriet et Nicolas Moog, c’est au tour de l’audacieux Gilles Rochier de répondre à une interview pour lectureshebdomadaires.com ! Auteur de TMLP, La petite couronne, En roue libre, Solo, L’autre con et Impact (entre beaucoup d’autres !), l’altoséquanais ne s’arrête jamais ! De Keith Haring à Métal Hurlant, voici un entretien avec Gilles Rochier, impertinence et sincérité.

Comment es-tu devenu auteur de bandes dessinées ?

Je ne me suis jamais envisagé comme un « auteur » de BD. D’ailleurs, je ne connaissais pas ce terme. J’ai commencé à l’entendre et à le réfléchir à la sortie de TMLP. Avant pour moi, je faisais tout juste de la bande dessinée et j’étais heureux par le simple fait que j’étais capable de commencer un livre et de le finir… Rien que ça, pour moi c’était énorme, et encore aujourd’hui, pour chaque nouveau projet engagé j’ai le même discours, la même émotion.
J’ai fait de la BD parce que le seul truc qui était à ma disposition pour m’exprimer c’était le crayon et le papier… deux trois BD par-ci par-là… mais pas plus. Je suis autodidacte pour la BD, pour le dessin et pour la vie. J’ai toujours fait les trucs a l’énergie, à l’arrache, « dis-moi non… c’est bon, tu m’as donné l’autorisation de le faire ».

Quelles sont tes influences ?

En bande dessinée, c’est à l’arrivée de Métal Hurlant que j’ai pris la claque… C’était une invitation à faire une bande dessinée différente de ce que nous lisions (Astérix, Tintin, etc.). Le truc était punk, noir, sexe, novateur et rock’n’roll ! Parfait pour un ado en construction, timide, qui dessine en douce et à qui on dit que « tout ça n’est pas sérieux ». Mais j’étais très inspiré aussi par des peintres comme Keith Haring, Robert Combas et Hervé Di Rosa. Et puis toute l’iconographie américaine, les typographies, les couleurs des pochettes de disques, et ce truc bizarre et génial qui se pointait : le HIP-HOP.

Question plus difficile : selon toi, quelle est ton influence ?
Es-tu déjà entré dans une librairie , regardant un album, pour te dire, « tiens, ça ressemble à ce que je fais… » ?

C’est ce qui sauve ma petite carrière : selon moi, on n’est pas un une tonne à faire la même chose. Et puis pour parler franchement, ça fait très longtemps que je ne suis pas entré dans une librairie pour mater des livres. Et quand j’y vais pour dédicacer, que je vois la quantité de bouquins, j’ai la tête qui tourne… Je ne lis plus de BD, je trouve ça difficile d’en faire et d’en lire.

De quelle façon élabores-tu tes planches ?
Comment ordonnes-tu la création ?
De l’idée à la planche finalisée ?
Comment sais-tu ou ressens-tu, que ta planche est terminée ?

Aaah, je ne suis pas le bon cheval ! Moi, je bosse à l’humeur, avec ma fatigue du jour et mes névroses du moment, donc c’est vrai que je peux dire qu’il y a des jours où c’est un petit miracle d’arriver à sortir une page… Je bosse toujours avec un storyboard et un plan de route pour pas me perdre dans l’histoire. Il y’a toujours l’image que je veux absolument pour telle ou telle case. Je change très rarement de plan, d’axe… Je peux être très

lent sur une case pour ne pas la flinguer, je vais retarder le moment de finir ma planche. Les cases doivent être équilibrées en noir et blanc, pour respecter le fameux rapport de masse. Jamais je ne laisserais partir une planche où j’assume pas une case, quitte à passer une nuit à la refaire ! Remarque je dis ça mais je me suis offert ça dans mon dernier bouquin… je fais le

tour des planches et puis « merde, elle est pourrie cette case »… et puis je me dis, « nan, laisse-là, c’est un souvenir, y a que toi qui sait, vas-y laisse… », hahaha ! Vous pouvez la chercher, maintenant !

Quel est ton avis sur la place de la bande dessinée ?
En France ? En Belgique ? Dans le monde ?

À priori, la bande dessinée va bien, tu entends des chiffres en progression chaque année, c’est devenu un art majeur. On donne des médailles à des autrices, à des auteurs, on se sert de ce médium pour alerter, expliquer, apprendre, amuser, informer… c’est cool ! Tout va bien !… Mais c’est bizarre, les auteurs sont de plus en plus en galère… Cette embellie, nous, on n’en voit que dalle ! On a des remontées gastriques quand on entend que le livre va bien alors qu’on a le cul dans les ronces !

Quel est ton avis sur la place des femmes dans la BD ?
En tant qu’autrices ? En tant que personnages ?

Hahaha ! La question qui pue le hashtag ! L’homme blanc de 50 ans que je suis, découvre hébété que les autrices sont moins bien payées que les auteurs dans la BD… Si tu crois une seconde que c’est différent parce que tu es dans ce métier qui invite les gens à la culture, parce qu’éditer des livres est très important pour l’esprit, le culturel, le créatif, de nos concitoyen… Pfff ! Tu te mets le doigt dans l’œil ! L’édition c’est une industrie et l’industrie n’a jamais respecté les femmes. En France, rien qu’en France, on a des autrices de haut vol et depuis très longtemps ! Elles se mettent à expliquer, depuis un moment, qu’il y a un truc qui cloche dans notre société et que dans la BD, les femmes ne sont pas que des amazones, ou des femmes qui servent le héros. Et elles ont raison !

Avec plus de vingt-cinq an de BD, une vingtaine d’albums à ton actif, des contributions à La Revue dessinée, à Pandora, à Spirou, c’est quoi l’avenir ? Des suites ? De nouveaux projets ?

Ouais… enfin j’espère avoir encore la niaque pour en fabriquer. Je sors d’une période très autobiographique donc je vais aller me reposer dans la fiction. Mais pour le moment je n’arrive pas à dessiner mes récits de fiction, j’ai une sorte de blocage… Ce n’est pas très grave parce que je donne mes scénarios au d’autres dessinateurs. On me propose beaucoup de scénarios aussi, je me sens flatté parce que ça veut dire que les gens ont confiance en mon dessin, alors que moi j’ai pas du tout confiance en lui, hahaha ! Je rame toujours avec mon dessin, mais ça va mieux… Je viens de finir un bouquin pour 6 Pieds

Sous Terre. J’ai quatre livres en préparation et pour l’instant, j’ai prévu de n’en dessiner aucun, mais ça peut changer aussi… demain…



Faut faire le million
de Gilles Rochier, chez 6 Pieds Sous Terre, dans les meilleures librairies depuis le 17 mars 2022.

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