[Pour donner un peu plus de rythme au site, mes lectures hebdomadaires vont instaurer une nouvelle périodicité. Commençons par un ouvrage d’actualité, qui a reçu de nombreux prix, dont celui des libraires en 2016 : l’incontournable ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ de Fabcaro]
Les éditions 6 Pieds Sous Terre le définissent comme un auteur « imparable« , Laurence Le Saux fait l’éloge de son oeuvre chez Télérama tandis que Julien Baudry estime qu’il est à la fois « sous-estimé [et] prolifique » dans sa rétrospective pour du9.org… Quoi qu’il en soit, Fabrice Caro – dis Fabcaro – qui régale ses lecteurs depuis plus de dix ans, excelle avec ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ paru le 21 mai 2015. Ce livre est absurde, décalé et véritablement profond.
Fabcaro c’est notamment – et sans être exhaustif – Le Steak haché de Damoclès (La Cafetière, 2005), Fernandel (BDMusic, 2006), La Bredoute (6 Pieds Sous Terre, 2007), Jean-Louis et son encyclopédie (Glénat, 2009), -20% sur l’esprit de la forêt (6 Pieds Sous Terre, 2011), On n’est pas là pour réussir (La Cafetière, 2012), Carnet du Pérou (6 Pieds Sous Terre, 2013), ParapléJack (La Cafetière, 2014) et Talk show (Vide Cocagne, 2015).
Mais ce n’est pas tout ! Fabcaro est un véritable « touche-à-tout » comme l’écrit Agathe Auproux pour livreshebdo.fr. Certes, il dessine dans les magazines Psikopat, L’Écho des Savanes, FLBLB (FLBLB, 2003-2004), Jade (6 Pieds Sous Terre, 2006-2013) et Alimentation Générale (Vide Cocagne, 2012-2013), mais il a aussi été guitariste/chanteur du groupe Hari Om jusqu’en 2011 et il a écrit un roman, Figurec (2006, Gallimard).
Sans s’en rendre compte, un auteur de bande dessinée oublie sa carte de fidélité dans la poche d’un de ses pantalons : à l’heure de régler ses courses au supermarché du coin, il se trouve en bien mauvaise posture… Menacé d’une roulade arrière par l’agent de sécurité du magasin, l’auteur prend la fuite. S’ensuit une véritable course-poursuite à travers la France, jusqu’aux confins de la Lozère.
Le scénario comporte deux facettes contradictoires : la prévisibilité et l’imprévisibilité. Prévisibilité vis-à-vis des mécanismes qui y sont dénoncés et des comportements récurrents qui y sont illustrés. Imprévisibilité parce que loufoque, burlesque, absurde, what the fuck ! L’histoire suit donc logiquement son cours et le « road-movie » prend de l’ampleur illogiquement… Cette contradiction est renforcée par le style de dessin dont use Fabcaro. Disposant d’un éventail assez varié, il propose ici un dessin banal, schématique, comparable aux croquis d’audience. Ce choix permet d’accentuer les caractères apagogique et immersif du récit.
ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ mérite amplement le Prix des Libraires de Bande Dessinée et le Grand Prix Critique de l’ACBD qu’il a reçu cette année. Fabcaro offre, dans cette oeuvre magnifiquement drôle, une critique globale de nos sociétés bien trop sérieuses, qui ne permettent jamais de relativiser. Car comme l’écrit F. Mayaud pour bdgest.com :
« il n’en loupe pas une […] CUMP (pour cellule d’urgence médico-psychologique), journaliste qui n’ont rien à dire, micro-trottoir qui font dire ce qu’il veulent faire entendre, expert en tout genre qui prennent la pose […] Assemblée nationale le petit doigt sur la couture […] parents perdus, ne sachant pas trouver les bons mots, et leur ados idéalistes »…
Tout le monde en prend pour son grade, même les auteurs de bande dessinée et ça fait du bien ! Il est donc vivement conseillé se procurer cette bande dessinée aussi vite que possible. Drolitude garantie.
ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ, © 2015, 6 Pieds Sous Terre, Fabcaro
Collection Montrème
Format 16,7×22,5 – 72 pages – Bichromie
13€