Selon Kastuhiro Ōtomo, il est « le mangaka le plus doué de sa génération »1 ! Minetarō Mochizuki, dont le troisième tome de Chiisakobé est paru en juin dernier aux éditions Le Lézard Noir, offre une vision contemporaine du roman éponyme de Shūgorō Yamamoto. Minetarō Mochizuki, très peu connu en France, a pourtant une grande carrière derrière lui au Japon. Depuis les années 80, il dessine Batāshi Kingyo (Kodansha, 1986-1988), adapté au cinéma en 1990, Dragon Head (Kodansha, 1995-2000, Pika Édition, 2010-2012), adapté au cinéma en 2003, La Dame de la chambre close (Kodansha, 1993, Glénat, 2004) et Maiwai (Kodansha, 2003-2008, Pika Édition, 2010‑2016).
Chiisakobé, c’est donc l’adaptation libre du roman de Shūgorō Yamamoto, qui prenait place pendant l’Époque d’Edo, au Japon. L’histoire se transpose très bien à notre ère, puisque les thèmes qu’elle aborde sont universels. Dans un incendie, Shigeji perd ses parents et Daitomé, l’entreprise familiale de charpenterie. Jeune diplômé en architecture, il décide de prendre en main la reconstruction de l’entreprise et toutes ses activités. De nombreuses maisons du quartier ont aussi été emportées par les flammes, sa voisine et amie d’enfance Ritsu se retrouve à la rue et un orphelinat a brulé : Shigeji embauche alors Ristu comme gouvernante et récupère cinq enfants sans foyer.
À cela viennent se mêler, l’arrivée de l’intelligente et belle Yuko, pour l’enseignement des orphelins, ainsi que les manigances des concurrents et anciens disciples de Daitomé. À travers sa ligne claire, le rythme lent de ses planches en noir et blanc, et ses références directes au cinéma de Wes Anderson2, Minetarō Mochizuki construit un récit tragi-comique des plus prenant. La longueur des gros plans permet de capter les fortes émotions des personnages sans jamais asphyxier, car l’humour singulier du mangaka procure l’oxygène nécessaire. La justesse des traits propose un voyage au Japon d’aujourd’hui, toujours marqué par ses traumatismes d’antan qu’il doit à la Seconde Guerre Mondiale. La référence est évidente : les personnages principaux, des orphelins qui en recueillent d’autres, partent en quête de reconstruction, les aïeuls ont disparu et les jeunes générations doivent rebâtir leur monde.
Cette réédification est également un rite de passage, car Shigeji, Ristu et Yuko, du haut de leur vingtaine d’années, doivent devenir adultes. Minetarō Mochizuki entraine les lecteurs dans un récit contemplatif et poétique, dont les diverses significations se teintent parfois de réalisme brut. C’est beau, profond, accessible et les rebondissements laissent le suspens s’installer : une forme d’inquiétude emphatique s’immisce, et les pages se mettent à tourner frénétiquement. Les trois premiers tomes constituent une bonne lecture pour l’été, en attendant impatiemment le quatrième, publié prochainement par Le Lézard Noir.
Chiisakobé (Le serment de Shigeji) © 2016, Le Lézard Noir, Minetarō Mochizuki
Trois tomes
Format 15×21 – 224 pages – N&B
15€
1 Référence admise par différents sites :
– manga-news.com,
– glenatmanga.com,
– nostroblogs.wordpress.com.
2 Voir La Famille Tenenbaum, avec Luke Wilson dans le rôle de Richie.
Trois articles de référence :
– «CHIISAKOBE», DEUIL POUR ŒIL, de Marius Chapuis pour next.liberation.fr,
– Chiisakobé : l’art délicat d’exprimer ses sentiments selon Minetaro Mochizuki, de Meloku pour nostroblogs.wordpress.com,
– et Chiisakobé T. 2 – Par Minetarô Mochizuki – Le Lézar Noir, d’Aurélien Pigeat pour actuabd.com