Excusez-moi, j’étais en orbite autour de Titan depuis deux mois… Mais après l’histoire de Mathieu Bablet, je suis bel et bien de retour sur Terre.
Shangri-La paraît en le 2 septembre dernier au Label 619 des éditions Ankama. Gifle interstellaire ! Le Label 619 ravit depuis 10 ans avec des titres éclectiques, dans l’air du temps, et généralement assez déjantés. On notera les plus connus, Mutafukaz et Doggybags (où l’auteur avait déjà publié en 2012 !). Avec ce space opéra magistral, Mathieu Bablet a la chance et le talent de permettre au Label d’éditer son premier récit de science-fiction.
Mathieu Bablet est publié pour la première fois en 2011, avec La Belle Mort (2011, Label 619, Ankama). Run (Guillaume Renard), le directeur artistique du Label 619 — et auteur de Mutafukaz — repère le jeune M. Bablet alors qu’il n’a que 24 ans.
Après ça, c’est au rythme d’une parution par an dans Doggybags1 que l’auteur fait ses armes, jusqu’à produire Shangri-La. C’est une révélation : le style graphique, la composition des planches, les couleurs, les thèmes abordés, la qualité du livre… Tout incite à suivre Mathieu Bablet dont l’art est en train d’atteindre maturité.
Tianzu Enterprises détient l’humanité sous une cloche de verre. La Terre n’est plus habitable depuis mille ans et ce conglomérat politico-financier abrite les derniers êtres humains dans un satellite qui orbite autour de la planète bleue. Destinés à travailler pour Tianzu, être payés par Tianzu et consommer des produits Tianzu, tous semblent accepter la névrose collective. Tout porte à croire que l’humanité a atteint un stade idéal… Scott Péon ne voit rien à redire au statu quo. Jeune agent de Tianzu Enterprises, il est envoyé régulièrement dans des contrées inconnues de l’espace ou sur des épaves échouées, suite à des dysfonctionnements plus que mystérieux.
Ces dysfonctionnements cachent autre chose et un groupe de résistant entend bien se servir de Scott comme d’un agent double. Entrainé par son équipage (Aïcha, Virgile et Nova), le jeune agent s’éveille et se révèle, à travers le vide de l’univers et l’espace confiné de la station. D’autres repères sont particulièrement importants pour Scott, comme son collègue et ami John. Shangri-La, permet à Mathieu Bablet d’aborder une multitude de thématiques et John, en tant que mutant — « animoïde » dans le récit — est un personnage phare.
Du racisme au capitalisme, en passant par la religion, Shangri-La semble être un exutoire pour son auteur. Suivant la communauté de l’USS Tianzu, Mathieu Bablet parvient à mettre en exergue les vices de nos sociétés contemporaines dans un récit d’anticipation. Du point de vue de l’individu, il met en évidence les leitmotivs les plus beaux comme les plus morbides.
Si les thèmes abordés sont multiples, les influences le sont également. Mathieu Bablet le dit lui-même, dans Shangri-La, il est possible de retrouver l’iconographie d’Alien (1979, Brandywine Productions, Ridley Scott) ou de Sunshine (2007, Fox Searchlight Pictures, Danny Boyle), mais aussi, et bien sûr (!), celle de Star Wars, pour les décors, les vaisseaux et la contemplation par exemple. Son penchant visible pour le manga peut aussi rappeler Albator (1977, Akita Shoten, Kana) du puissant Matsumoto, ou Planètes (2000, Kōdansha, Panini Comics) de Yakimura, pour l’immensité spatiale. C’est certainement un jeune auteur, mais la confluence d’un Denis Bajram avec un François Schuiten se laisse deviner. En tous cas elle se laisse espérer avec l’architecture et la scénographie que Monsieur Bablet présente.
Tous les ingrédients d’une potion magique sans nom sont là, mais comme dirait un certain druide de bande dessinée, « l’origine de cette recette se perd dans la nuit des temps« 2, et il n’y a plus qu’à laisser mijoter…
Le rapport qualité-prix du livre est un énième point positif, une vingtaine d’euros pour plus de 200 superbes planches ! Non pas qu’il faille augmenter les prix hein ?! En tous cas merci pour ce beau travail de publication, c’est bien joué. Le prochain livre de Mathieu Bablet est attendu avec impatience ! (en plus, il travaille vite paraît-il — et bien, c’est confirmé)
Shangri-La © 2016, Label 619, Ankama Éditions, Mathieu Bablet
32×24 – 224 pages – Quadrichromie
19€90
1 Mathieu Bablet a participé à Doggybags pour les numéros 2, 7 et 8.
2 Astérix le Gaulois, 1959, Hachette, René Goscinny et Albert Uderzo.
Trois articles de référence :
– ShANGRI-LA, de Damien Canteau pour comixtrip.fr,
– ShANGRI-LA, de Mickael Géreaume pour planetebd.com,
– Mathieu Bablet : la claque « Shangri-La », de Benjamin Roure pour bodoi.info.
→ BONUS : le crayonné d’une planche où Scott pilote un mecha…