Lectures Hebdomadaires

La bande dessinée, c'est tout !

« Le processus créatif résulte toujours
d’un emboîtement spontané
qu’on reconstruit après coup.
 »
Frédérik Peeters

Kaos d’Osamu Tezuka

Illustration promotionnelle © 2016, Cornélius

Illustration promotionnelle © 2016, Cornélius

Les Éditions Cornélius ont 25 ans ! Pour marquer le coup, « six lots de mangas à 25€ chacun » sont proposés en librairie. Cette opération est extrêmement bien pensée puisqu’elle permet de combler les appétits voraces de lectures estivales, et c’est encore plus exaltant lorsque l’on sait que quatre de ces six lots sont des histoires complètes d’Osamu Tezuka. Mangaka, scénariste, réalisateur, illustrateur et producteur, « Osamushi » n’est autre que le fondateur/le père du manga moderne1. Avec plus de 700 œuvres originales, il est nécessaire de se limiter en exhaustivité pour présenter son travail. Pour ce qu’il y a de plus mainstream, il faut au moins retenir, Le Roi Léo (Gakudosha, 1950-1954, Kōdansha, 1977, Glénat Manga, 1996-1997, Kazé Manga, 2010-2011), adapté en série animée de 1965  à 1989 (premier dessin animé en couleur du Japon) et adapté en film en 1966, 1997 et 2009, il a bien entendu, inspiré grandement les Studios Disney pour Le Roi Lion, même s’ils ne le reconnaîtront jamais2 ; Astro, le petit robot (Shōnen Kōbunsha, 1952-1973, Kōdansha, 1980-1981, Glénat Manga, 1996-1999, Kana, 2009-2012), adapté en série animée de 1963 à 1966, de 1980 à 1981, puis en 2003, et adapté en film en 1964, 1985 et 2009 ; et Phénix, l’oiseau de feu (Asahi SonoramaCOM, 1954-1981, Kadokawa Shoten, 1986-1988, Delcourt/Tonkam, 2000-2002), adapté en film en 1978, 1980 et 1986, puis adapté en série animée en 2004.

 Signature © Osamu Tezuka

Signature Osamushi © Osamu Tezuka

Pour ces 25 piges donc, Cornélius présente des récits complets un peu moins célèbres de Tezuka, des histoires un peu plus underground comme : Hato (Kōdansha, 1964-1967), Prince Norman, (Gahōsha, 1968), Le Château de l’Aurore (Gakken, 1959-1961) et Sarutobi (Akita Shoten, 1960-1961) et Kaos (Kōdansha, 1978-1979), qui est la découverte de cette semaine.

 

Couverture de Kaos t.1 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka Couverture de Kaos t.2 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka Couverture de Kaos t.3 © 1979-1979, Kodansha, 2009, Cornélius, Osamu Tezuka
Planche de Kaos t.1 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka

Planche de Kaos t.1 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka

Kaos, sous-titré Le Robinson du futur, correspond bien à l’histoire revisitée du célèbre naufragé, mais c’est aussi une nouvelle interprétation du récit biblique de Caïn et Abel… Jo Daigo et Koji Suhami sont les meilleurs amis du monde, ils se connaissent depuis l’enfance et cherchent à embrasser leur rêve commun : rentrer à l’Académie Galactique, institution suprême décernant des postes à hautes responsabilités aux fonctionnaires qui en sortent. Une machination se met malheureusement en place et Jo Daigo n’est pas reçu à l’Académie. En souffrance, manipulé et le cœur plein de convoitises, il met fin à la rivalité qui l’anime lorsqu’il tue Koji.
Une vie s’achève, mais l’aventure commence quand, dix ans plus tard, Koji est ressuscité par un extraterrestre mystérieux. Cet acte est le point de départ de la trilogie. Rebaptisé Kaos, ce héros malheureux n’a plus qu’un objectif : retourner sur Terre pour se venger de Jo Daigo. Mais ce dernier est maintenant Président de l’Académie Galactique et il capture Kaos lors de sa première apparition. Comme Kaos n’a pas vieillit et qu’il a changé d’apparence, un doute persiste chez Jo Daigo. Il décide finalement de bannir son ancien ami à bord d’une galère spatiale jusqu’à Bacara, la planète fournaise et prison, destinée aux travaux forcés. L’aventure commence alors vraiment.

Planche de Kaos t.1 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka

Planche de Kaos t.1 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka

De l’évasion à l’exil, de la rencontre à l’isolement, le récit se rythme de péripéties diverses et variées, conduisant Kaos de l’enfance à l’âge adulte. On trouve dans cette trilogie, les thèmes récurrents que développe Osamu Tezuka dans toute son œuvre : sa vision sublimé du XXIe siècle, ses espoirs et ses doutes pour l’être humain, sa passion pour la technologie et son intérêt pour la spiritualité. Deux parcours son contés, ceux de Kaos et de Jo Daigo, leurs choix sont mis en question, ainsi que leurs responsabilités et leurs morales.
S’il est, certes, très inspiré par Walt Disney et Ub Iwerks,  Tezuka est le premier à intégrer le mouvement dans la bande dessinée japonaise, ainsi qu’un découpage cinématographique. En outre, ce sont ces spécificités qui lui octroient le statut d’initiateur du manga moderne. Son trait est limpide, ses gestes irrécusables, sa mise en scène calculée. Chaque courbe posée sur la planche a une fonction précisément définie. Les personnages de bien sont reconnaissables graphiquement, tout comme les personnages maléfiques, et la ligne cartoonesque permet d’assimiler un ton quelque peu manichéen et moralisateur. Les diverses références à Leiji Mastumoto, créateur d’Albator, à ses propres personnages récurrents3 et aux maîtres du cartoon américain, atténuent ce caractère bipolaire à l’approche du dénouement.

Planche de Kaos t.1 © 1979-1979, Kodansha, 2008, Cornélius, Osamu Tezuka Planche de Kaos t.3 © 1979-1979, Kodansha, 2009, Cornélius, Osamu Tezuka

Le rythme s’accélère, à la manière des dessins animés de Frederick Bean Avery ou de Chuck Jones, et la passion que l’auteur voue à l’animation n’en est que plus frappante. Les épisodes, les rencontres et les rebondissements se multiplient jusqu’à ce que l’aventure se teinte d’une ambiance proche du Cobra de Buichi Terasawa, créé la même année. Des bagnards aux clochards de l’espace, des habitants de la planète Daphnès aux parasites extraterrestres, du rôle de mercenaire à celui de marchand, les destins de Kaos/Koji Suhami et Jo Daigo se croisent jusqu’à la conclusion tout en finesse du masutā mangakka Osamu Tezuka.
Il est possible de lire d’excellents mangas cet été, grâce aux Éditions Cornélius et leur offre au très bon rapport qualité-prix. Pourquoi ne pas commencer par quelques planches de Kaos ?

Planche de Kaos t.2 © 1979-1979, Kodansha, 2009, Cornélius, Osamu Tezuka

Planche de Kaos t.2 © 1979-1979, Kodansha, 2009, Cornélius, Osamu Tezuka


Kaos © 2008-2009, Cornélius, Osamu Tezuka
Trois tomes
Collection Paul
Format 15×21 – 224 pages – N&B
25€ (les trois tomes !)



1 Ce statut de « Père Fondateur» est admis, de part et d’autre de la toile (ici ou ), mais aussi par les experts de bande dessinée (comme Thierry Groensteen (ici ou ) ou Benoit Peeters (ici ou ) par exemple).

2 Un paragraphe de l’article Wikipédia est consacré à cette petite polémique. Ce qui est le plus fou, c’est que la plupart des gens pense l’inverse : que Le Roi Léo ne serait en fait qu’un plagiat de Disney…

3 Osamu Tezuka utilise des personnages récurrents qui viennent parsemer ses mangas : Ochanomizu, Gourdsky, Acetylene Lamp, Moustache ou lui-même. Aux lecteurs de les trouver !


Trois articles de référence :

– Osamu Tezuka : dissection d’un mythe, de Hervé Brient pour les Éditions H,

– « Kaos I » de Osamu Tezuka, pour vagabondsdureve.fr,

– et Kaos, pour lataniereduchampi.over-blog.com.

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